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Le terme de lithiase rénale désigne la maladie résultant de la formation de calculs dans les reins. La lithiase se révèle, le plus souvent, par une colique néphrétique, douleur très violente qui traduit la migration d’un calcul.

La lithiase urinaire, ou " maladie de la pierre ", est une affection très ancienne, puisque les écrits de l'Antiquité la mentionnent à différentes reprises et que les premiers calculs connus ont été trouvés dans des sites préhistoriques remontant à l'ère du Chalcolithique (environ 4000 ans avant notre ère). Plusieurs momies égyptiennes, dont celle de Ramsès II, contenaient des calculs. De nombreux hommes célèbres ont souffert de calculs rénaux. Parmi eux, citons Alexandre le Grand, Charlemagne, Louis XIV, Napoléon 1er et Napoléon III, le pape Innocent XI ou encore Montaigne ou Benjamin Franklin.
Les causes de cette affection sont nombreuses. Parmi celles-ci, les pathologies infectieuses et les comportements alimentaires occupent une place importante. Cela permet de comprendre pourquoi la lithiase urinaire évolue dans le temps parallèlement à la transformation de nos sociétés.

Cette évolution se traduit de manière comparable dans tous les pays du monde par une modification:

  • de la fréquence de la lithiase,
  • de l'âge moyen auquel sont observés les calculs,
  • de la composition dominante de ces calculs,
  • du site anatomique où ils se forment dans l'appareil urinaire,
  • du rapport des sexes masculin/féminin (M/F) au sein de la population lithiasique.

Schématiquement, l'évolution de la lithiase peut être assimilée à celle du niveau socio-économique des populations. On peut ainsi mettre en évidence les principales caractéristiques de l'évolution de la maladie lithiasique en comparant la situation des pays en développement à celle des pays industrialisés, principalement Europe de l'ouest, États Unis et Japon, où ont été réalisées la plupart des études.

Types chimiques de lithiase

Il existe plusieurs variétés chimiques de calculs rénaux, qui relèvent de mécanismes différents et, par conséquent, impliquant des traitements adaptés.

La forme la plus commune est la lithiase calcique, où les calculs sont faits d’oxalate de calcium ou, moins fréquemment, de phosphate de calcium: elle représente près de 85% des cas en France (figure 1). La seconde en fréquence est la lithiase urique, qui compte pour 10% des cas. La lithiase de phosphate ammoniacomagnésien (PAM), ou lithiase d’infection compte aujourd’hui pour moins de 5% des cas. Les autres variétés de lithiase, souvent héréditaires comme la cystinurie, sont beaucoup plus rares.

Evolution de la fréquence de la lithiase

La fréquence de la lithiase rénale a considérablement augmenté dans tous les pays industrialisés au cours des 4 dernières décennies, en parallèle à l’élévation généralisée du niveau de vie. La lithiase rénale est aujourd’hui 3 à 4 fois plus fréquente qu’avant la seconde guerre mondiale.

Cet accroissement de fréquence est dû exclusivement à l’expansion de la lithiase oxalocalcique, alors que la fréquence des autres types de calculs est restée stable ou a même régressé, comme cela est le cas de la lithiase d’infection, grâce au progrès de la détection et du traitement des infections urinaires. Cette évolution s’est poursuivie au cours des 25 dernières années. Depuis une vingtaine d’années, on assiste à un léger tassement des calculs oxalocalciques au profit des calculs d’acide urique, qui avaient diminué depuis un demi-siècle mais recommencent à progresser parallèlement à l’augmentation régulière de l’indice de masse corporelle de la population (figure 2).

Comme le montre le tableau ci-dessous, les caractéristiques de la lithiase ont changé au cours du temps et révèlent une évolution comparable dans tous les pays du monde caractérisée par :

  • - un changement de topographie des calculs, autrefois localisés préférentiellement dans la vessie et formés maintenant essentiellement dans les reins ;
  • - un changement de leur nature : les oxalates de calcium remplacent de plus en plus souvent les phosphates et les urates) ;
  • - une évolution de l’âge, mais aussi du sexe des sujets concernés : les calculs touchaient autrefois majoritairement les jeunes garçons (avec un rapport garçons/filles souvent supérieur à 10) et s’observent aujourd’hui essentiellement chez des adultes de 30 à 70 ans avec un rapport hommes/femmes ≤ 2.

Le tableau I résume les principaux changements épidémiologiques de la lithiase urinaire dans le monde.

Fréquence actuelle de la lithiase rénale

Dans tous les pays européens, la lithiase rénale touche une proportion élevée de la population. A l’âge de 45 à 50 ans, près de 10% des sujets interrogés disent avoir déjà souffert d’une ou plusieurs crises de coliques néphrétiques.

La fréquence actuelle de la lithiase en France est connue grâce à l’étude SU.VI.MAX. Cette étude épidémiologique, conduite sous la direction du professeur Hercberg, a permis d’évaluer l’influence de l’alimentation et d’une supplémentation en vitamines et en oligoéléments antioxydants sur l’incidence des maladies cardiovasculaires et des cancers. Cette enquête prospective, qui portait sur plus de 14000 sujets volontaires des deux sexes, âgés de 40 à 60 ans, comportait une enquête satellite sur les antécédents de lithiase urinaire, identifiés par une question simple: « Avez-vous eu des coliques néphrétiques (calculs rénaux)?».
Sur les 13825 sujets âgés de 40 à 60 ans ayant répondu à ce questionnaire, 9,8% avaient des antécédents de coliques néphrétiques (13,6% des hommes et 7,6% des femmes). Sur ces bases, on peut estimer que près de 3 millions de nos compatriotes ont été ou seront atteints de calculs rénaux à un moment ou à un autre de leur vie.

Composition des calculs en fonction du sexe et de l’âge

Aujourd’hui, l’oxalate de calcium est le composant le plus fréquent des calculs urinaires. Il est connu sous deux formes cristallines différentes : l’oxalate de calcium monohydraté, appelé whewellite, qui est lié à des excès d’oxalate dans les urines, et l’oxalate de calcium dihydraté, appelé weddellite, qui, à l’inverse du précédent, est lié à des excès de calcium dans les urines. D’un point de vue scientifique, l’oxalate de calcium monohydraté a été appelé whewellite : ce nom minéralogique lui a été donné en hommage à un minéralogiste anglais, William Whewell, qui était professeur dans la prestigieuse université anglaise de Cambridge. L’oxalate de calcium dihydraté a été appelé weddellite, parce qu’il a été découvert pour la première fois dans la vase de la mer de Weddell, qui entoure les îles Malouines, au large de l’Argentine.
Les phosphates de calcium représentent la deuxième famille de composés lithiasiques. Ils comportent plusieurs formes cristallines dont le lien avec la pathologie est plus complexe que celui de l’oxalate de calcium. En effet, les phosphates calciques peuvent être dus à des anomalies du calcium urinaire, à des anomalies de pH urinaire, à des infections, à certaines prises médicamenteuses ou encore à des excès de phosphate dans les urines. les trois principales formes de phosphate calcique sont la carbapatite (même composition que les dents et les os), le phosphate amorphe de calcium carbonaté et le phosphate acide de calcium dihydraté (encore appelé brushite).

Le troisième groupe de calculs le plus fréquent est constitué par les purines, dont le principal représentant est l’acide urique. Les deux principales causes de calculs d’acide urique sont l’hyperacidité des urines (pH des urines < 5,5) et l’hyperuricurie (excès d’acide urique dans les urines). L’acide urique peut également former des sels, les urates, avec différents cations présents dans les urines (ammonium, sodium, potassium ou calcium), mais ce phénomène est plus rare dans nos sociétés industrielles.

Ces trois familles de composants représentent près de 93% de tous les calculs observés dans notre pays. Parmi les 7% de calculs qui ne sont faits ni d’oxalates, ni de phosphates de calcium ni d’acides uriques, on trouve des calculs de phosphate ammoniaco-magnésien hexahydraté (encore appelé struvite) et des calculs de cystine. Les premiers sont provoqués par des infections chroniques de l’appareil urinaire par des micro-organismes qui possèdent une enzyme particulière, l’uréase, capable de décomposer l’urée et de former de l’ammoniaque dans les urines. Ils comptent pour environ 2% des calculs. Les bactéries qui sont le plus souvent responsables de ces calculs appartiennent aux genres Proteus et Staphylococcus. Les calculs de cystine sont dus à une maladie génétique caractérisée par un défaut de réabsorption de la cystine par le rein. Ils représentent entre 0,5 et 1% des calculs. Pour les 4% de calculs restants, il existe une très grande diversité de composants possibles, qui correspondent à des contextes pathologiques rares mais très spécifiques. On connaît à ce jours plus de 80 corps différents à l’origine de ces calculs, d’où l’importance de faire analyser les calculs dès le premier épisode pour ne pas oublier une cause particulière de lithiase qui pourrait être soignée par des traitements spécifiques.

La fréquence relative des différents types de calculs varie selon l’âge et le sexe. La répartition des calculs en France, considérée selon leur composant majoritaire, est connue grâce à l’expérience du Laboratoire Cristal, qui a analysé plus de 80000 calculs par examen morphologique associé à la spectrophotométrie infrarouge. L’oxalate de calcium, plus fréquent chez l’homme que chez la femme, à l’inverse du phosphate de calcium, possède un pic de fréquence entre 40 et 60 ans dans les deux sexes (figures 3 et 4).

La fréquence de l’acide urique est faible jusqu’à l’âge de 60 ans, mais elle augmente très nettement au-delà de cet âge, tout en restant constamment 2 fois plus élevée chez l’homme que chez la femme. Les calculs de PAM, qui caractérisent la lithiase d’infection, sont 3 fois plus fréquents chez la femme que chez l’homme, et s’observent surtout aux âges extrêmes de la vie, périodes où la différence de fréquence entre hommes et femmes s’atténue.

Facteurs favorisants de la lithiase

L’augmentation explosive de la fréquence de la lithiase d’oxalate de calcium en quelques décennies ne peut pas s’expliquer par une modification des facteurs génétiques. Elle suggère, en revanche, le rôle majeur des facteurs d’environnement, notamment des habitudes alimentaires, qui ont beaucoup changé au cours des dernières décennies.

Il est frappant de constater que l’évolution des comportements, tout particulièrement des pratiques nutritionnelles, se traduisant notamment par une augmentation de la consommation de protéines animales, mais aussi de sel et de sucres industriels, coïncide avec l’augmentation de la fréquence de la lithiase oxalocalcique dans les pays industrialisés. Notre consommation actuelle de protéines carnées est 5 fois supérieure à ce qu’elle était au début du siècle dernier. Notre consommation de sel s’est accrue en parallèle. Quant à notre consommation de sucres raffinés, elle a été multipliée par 30 depuis un demi-siècle. En revanche, la consommation de légumes, de fruits et de fibres, ainsi que de produits laitiers est plus faible, et le volume quotidien des boissons souvent insuffisant. Ces habitudes alimentaires récentes favorisent principalement la formation des calculs oxalocalciques (tableau 2).

Mesures préventives

Les mesures destinées à prévenir la formation ou la récidive des calculs rénaux sont simples et aisées à respecter. Dans tous les cas, la mesure fondamentale est de consommer chaque jour une quantité importante de boissons, de manière à diluer les urines. La quantité de boissons doit être telle qu’elle assure un volume d’urines d’au moins 2 litres par 24 heures chez tous les lithiasiques.

En dehors des lithiases particulières qui demandent un traitement spécifique, la prévention de la lithiase calcique, la plus communément observée, repose sur un réajustement des habitudes alimentaires selon les principes rappelés dans le tableau 3.

Il est à noter que ces recommandations concourent, simultanément, à réduire le risque d’hypertension artérielle et de maladies cardiovasculaires.